(*) Ahmed MOUNTASIR
Le licenciement pour motif économique est un mode de rupture du
contrat de travail à durée indéterminée, à l’initiative de l’employeur, pour un
motif non inhérent à la personne du salarié. Le motif économique implique la
suppression de l’emploi, la transformation de l’emploi, ou la modification d’un
élément essentiel du contrat de travail refusée par le salarié. Enfin, la
suppression ou la transformation de l’emploi doivent être consécutives
notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.
À l’inverse du licenciement pour motif personnel, nécessairement
individuel, le licenciement économique peut être individuel ou collectif, et
suit une procédure variable selon le nombre de salariés licenciés, la taille de
l’entreprise, et l’existence d’institutions représentatives du personnel dans
l’entreprise.
Le licenciement pour motif économique est caractérisé par le
contrôle réduit exercé par les institutions du droit du travail. Malgré la
suppression de l’autorisation administrative de licenciement, l’autorité
administrative conserve des prérogatives de contrôle de la procédure,
lesquelles sont exercées par les inspecteurs du travail. Cependant, le juge
judiciaire s’est refusé à contrôler la cause exacte du licenciement économique dans
l’arrêt « Pages jaunes ». Enfin, les institutions représentatives du personnel
exercent un contrôle de la procédure, de la notification du projet à
l’effectivité des licenciements.
Selon l’économiste Pierre Cahuc, les licenciements économiques
représentent à peine 2 % de tous les départs de l’emploi.
La notion de « licenciement économique » n’a jamais existé en droit
positif marocain du travail.
On en parle, on utilise le concept de manière informelle par
adoption, parce que ailleurs, on parle de licenciement économique mais en
réalité, cette notion de licenciement économique n’a existé dans aucun texte en
droit marocain. Le décret royal du 14 août 1967 traitait du licenciement
collectif et de fermeture partielle ou totale donc entre le libellé du décret
royal de 1967 et celui du code du travail aujourd’hui, il y a une très grande
différence.
Mais en ce qui concerne le contenu, il est bien évident que le
décret royal du 14 août 1967 traitait du licenciement pour raison économique
dans la mesure où la procédure fait apparaître la volonté du législateur de
s’assurer que l’entreprise fait face réellement à des difficultés financières
(pas économiques).
Il est vrai que dans l’ancien texte, les difficultés de
l’entreprise étaient appréciées exclusivement sur le plan financier alors que
l’entreprise peut ne pas avoir de difficultés financières mais être astreinte à
réduire son personnel pour d’autres raisons technologiques ou structurelles.
I-Le licenciement économique au Maroc.
Les licenciements d’ordre économique sont en hausse au Maroc. C’est
ce qui explique une situation économique désastreuse dés le début de la
décennie 90. Pour se limiter à une photographie expressive de cette situation,
il convient de mentionner que le textile et habillement secteur clé de
l’industrie nationale, a perdu pas loin de 50.000 emplois (47.761) exactement
sur l’année 2008 selon une toute récente enquête menée par le ministère de
l’emploi. Et encore, il ne s’agit la que des emplois perdus par les 715 unités
membres de l’association marocaine de l’industrie, du textile et d’habillement
(AMITH), soit 44,4% de l’ensemble des entreprises du secteur.
En effet, le licenciement doit être fondé sur l’existence d’un
motif valable. Il peut être prononcé pour motif personnel ou motif économique
ou technologique ou structurel. Au fait, les licenciements pour motif
économique, technologique ou structurel sont possibles, sous réserve d’une
autorisation du gouverneur, à condition de prouver l’existence de difficultés
économiques empêchant le fonctionnement normal de l’entreprise. La cessation de
la relation de travail à l’initiative de l’employeur intervient pour diverses
raisons. Mais jusqu’à présent, on l’a approché lorsqu’elle touche un
travailleur à titre individuel.
Toutefois la sécurité de l’emploi est encore plus affectée
lorsqu’un collectif de salarié est concerné par une mesure de licenciement
irrémédiable. Cette mesure ne peut normalement s’interpréter en tant qu’une
simple somme de résiliations unilatérales de contrats de travail, d’autant plus
qu’elle intervient en dehors de toute faute pouvant leur être reprochée,
collectivement ou individuellement, excepté toute proportion gardée en cas de
grève illégitime.
ll est en outre que même l’employeur qui procède à la fermeture,
partielle ou totale, de son entreprise n’a pas lui aussi commis de « faute »car
il a été contraint de prendre cette décision plus au moins douloureuse. Aussi
peut on s’interroger sur la cause principale, directe ou indirecte, d’un
licenciement collectif, qu’on qualifie de licenciement pour motif économiques,
structurels ou technologiques, qui doit en supporter la responsabilité et
quelles sont ses conséquences, toutefois, peut on raisonnablement faire
endosser cette responsabilité à des salariés qui n’ont fait qu’exécuter le
travail qui est attendu d’eux ?
De même le chef d’entreprise, détenteur de capitaux, n’est il pas
lui aussi impliqué dans ce système en faisant prévaloir ses intérêts égoïstes,
caractérisés par un profit démesuré au risque de nuire à son entreprise ?
Certes, le législateur marocain a cherché à travers le nouveau code
de travail à apporter des modifications significatives permettant la
satisfaction de certains objectifs qui touchent à la fois l’employeur et
l’employé. Cependant, ces modifications demeurent insuffisantes. A cet effet
des mesures doivent être entreprises. Cependant, la nature des réductions de
personnels varie d’un pays à l’autre.
Dans certains cas, on parle de licenciements individuels motivés
par des raisons économiques ; dans d’autres cas, il s’agit de licenciements
collectifs ayant les mêmes causes ou des motifs structurels, technologiques ou
pour des motifs similaires ; il est question de fermeture définitive, totale ou
partielle, d’une ou plusieurs entreprises ou de compression ou de suppressions
de personnel. Pour mieux appréhender ces différentes formes de cessation
collective d’emploi, il convient de s’interroger, en premier lieu, sur les
diverses causes l’entraînant.
II- Les dispositions de la loi.
Tout employeur qui projette de réduire le personnel de son
entreprise, de licencier l’ensemble des travailleurs ou de procéder à la
fermeture de tout ou partie de l’entreprise est maintenant tenu de consulter
les représentants de ces salariés et de négocier les mesures à prendre avec eux
avant de requérir l’autorisation administrative exigée à cet effet. Pour cela
il doit encore tenir compte de certains critères pour le choix des travailleurs
qui seront visés par une mesure de compression de personnel ou de fermeture
partielle de l’entreprise.
C’est l’objectif principal rappelons le, des articles 66 à 71 du
contrat de travail qu’il convient d’analyser. Mais il ne s’agit là que des
normes impératives, qui peuvent être complétées ou remplacées par des
dispositions conventionnelles plus favorables. D’ailleurs tant la convention
collective-type avril 1958 que certaines conventions collectives, comme celle
du personnel des banques, prévoyaient la consultation préalable des
représentants des travailleurs avant que cette condition et ses modalités ne
soient prescrites autrement par le code du travail, en son article 66.
Il y a lieu de noter que l’article 66 du code de travail prescrit
l’obligation de l’employeur à informer d’abord les représentants des salariés,
la nature des unités de production suivant leur secteur d’activité et le nombre
des travailleurs qui y sont occupés. Il s’agit là de critères déterminant
l’intervention des représentants du personnel (dix salariés) ou des nouveaux
comités d’entreprise (cinquante salariés) lors de la première phase de la
procédure dans laquelle l’employeur est appelé à consulter ces représentants
puis à négocier avec eux les modalités de la fermeture de l’entreprise ou de
licenciement du personnel de celle-ci. Les unités économiques de production concernées
sont des entreprises commerciales ou industrielles et des exploitations
agricoles, forestières et leurs dépendances ainsi que des entreprises
d’artisanat.
La délimitation du champ d’application du régime juridique du
licenciement collectif ou de la fermeture volontaire de l’entreprise par son
propriétaire permet d’emblée d’écarter un certain nombre d’organismes
employeurs même s’ils continuent d’être soumis au code du travail. La rupture
par l’employeur du contrat de travail engendre pour celui-ci l’obligation de
payer au salarié une indemnité de licenciement, quel qu’il soit le motif ayant
justifié sa décision.
Cette indemnité a été instituée d’abord par les usages, les
contrats individuels et les conventions collectives, puis, en 1967, par le
décret royal du 14 août 1967, le même principe est adopté par (article 52) du
code de travail. L’indemnité de licenciement ne se confond pas avec les 4
dommages intérêts qui peuvent être accordés en cas de licenciement abusif, ni
avec l’indemnité compensatrice de préavis.
L’indemnité de licenciement est égale par année d’ancienneté ou
fraction d’année de travail effectif à :
96 heures de salaire pour les 5 premières années de travail ;
144 heures de salaire pour la période d’ancienneté allant de la
6éme à la 10éme année ; - 192 heures pour la 11éme à la 15éme année ;
240 heures pour la période dépassant 15 ans. Cette indemnité est
calculée sur la base du salaire moyen perçu pendant les 52 semaines précédant
La date de licenciement. En aucun cas le salaire servant de base pour le calcul
de l’indemnité ne peut être inférieur au SMIC.
Enfin, malgré les dispositions instaurées dans le code de travail
il convient de souligner qu’il existe encore des limites qu’il faut surmonter.
Le régime institué par l’actuel code de travail ne répond que très
partiellement aux finalités auxquelles il aurait du s’en tenir. Une protection
bien assise des travailleurs touchés par cette mesure extrême qu’est le
licenciement collectif, qui aurait permet de régler certains problèmes socio-économiques
posés par la crise économique. Autrement l’évolution normative en la matière
n’est pas pour le moins brillante malgré quelques réaménagements processuels de
détail.
Dans sa conception puis dans sa mise en œuvre, le système instauré
n’est pas réellement protecteur, d’autant plus qu’il s’inscrit dans la mouvance
de flexibilité et de liberté accordée abusivement à l’employeur et de manière
générale, aux détenteurs de capitaux. En outre, la législation actuelle n’est
pas épaulée par un droit conventionnel digne de ce nom pour la mise en place
d’un régime juridique autonome et adapté.
En d’autres termes, on ne peut vraiment soutenir valablement que
des progrès palpables aient été réalisés par les dispositions en vigueur du
code du travail. C’est ce qui ressortira d’une rétrospective brève mais
significative en la matière, qui sera complétée ensuite par l’évaluation de la
pertinence du régime instauré, eu égard à ses visées sous-jacentes, au lieu de
celles avancées par ses défenseurs attitrés.
En d’autres termes, le rôle des tribunaux reste étrangement
insignifiant. Ceci s’explique aisément par le pouvoir considérable mais
dangereux pour les travailleurs, reconnus aux agents d’autorité dans le cadre
de la procédure de licenciement économique. Ainsi peut s’expliquer en grande
partie par la rareté de la jurisprudence de ce sujet. Le plus important à
souligner est que la doctrine administrative est loin d’être favorable aux
travailleurs licenciés par ces motifs car
l’appréciation des agents d’autorité appartenant au ministère de
l’intérieur n’est pas souvent fondée sur les aspects humains et sociaux du
licenciement économique, structurel, technologique ou analogue.
•••• Référence ••••
-
Loi
n°1999-65 relative au Code du Travail
-
l’arrêté
du ministre de l’emploi et de la formation professionnelle n° 2625 du 26
chaabane 1433/ Dahir n°1-03-194 du 14 rejeb (11 septembre 2003) portant
promulgation de la loi n°65-99 relative au Code du Travail.
-
Le
bilan de la CGEM sur 10 ans du code de travail
-
Un
nouveau projet de décret (n° 2.14.15) contre le recours abusif au CDD
-
Les
modalités d'application des dispositions de l’article 327 / 1999-65
-
La
loi n°18-12 sur les accidents du travail est enfin publiée au bulletin officiel
(*) -Étudiant Chercheur en Droit Interntional Européen des Affaires à l'Université de Nice Sophia Antipolis- Faculté de Droit et Sciences Politiques.
-Membre législatif avec l'Organisation Marocaine des Jeunes Décideurs.
-Jeune écrivain en Droit ( Village de la justice.fr / Juridika Maroc.ma ) .